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Chapelle de Farnières, la légende

30Avr, 16 | Contes et légendes

Le temps n’a pas conservé le nom de ce comte qui, chassant sur ses terres de Farnières “ en ces temps-là „, fut informé par un manant de la découverte de la statuette d’une Vierge Noire au pied d’un chêne majestueux. Un lieu bien insolite pour un tel objet, sans doute, mais pas au point d’ébranler le seigneur qui décida de l’abriter dans la chapelle de son château.

L’affaire aurait pu en rester là : après tout, en ces temps troublés où la plupart des châtelains n’étaient guère que des rapaces, l’apparition pouvait avoir mille raisons tout-à-fait pragmatiques.

Ce qui l’était moins, par contre, c’était l’obstination de cette Vierge Noire à disparaître mystérieusement de la chapelle castrale pour rejoindre son chêne, là-haut. Un signe, à n’en point douter. Après avoir reçu l’aval de son chapelain, le comte décida donc de faire construire un bel oratoire pour abriter la Vierge là où elle avait manifestement décidé d’élire domicile.

L’endroit bientôt devint célèbre et le seigneur ne manquait pas de rendre de fréquentes visites à la chapelle lorsque, le soir venu, les lieux retrouvaient leur quiétude : l’homme, quoi que jeune encore à ce qu’on dit, était d’un naturel farouche.
Mais la vie fait parfois de curieux détours.
Ainsi le comte se piqua-t-il un jour de découvrir le monde et d’y faire sa vie loin de ces terres dont la sauvagerie lui était devenue insupportable. Il advint donc ce qu’il advient généralement en pareil cas : ruiné par les miroirs aux alouettes, il s’en revint quatre ans plus tard vers le domaine qu’il trouva, en dépit des efforts de son avoué pour juguler l’hémorragie, dans un triste état.
Pas guéri pour un sou, le seigneur rêvait pourtant de repartir vers ces lieux ou tout était facile, parmi les ors et les draperies. Cette fois, pour sur, il trouverait d’autres amis, fiables et tout prêts à lui offrir la place qu’il estimait lui revenir.

Mais les fonds n’arrivaient que trop lentement à son goût aussi un jour, tandis qu’il chevauchait, se prit-il à souhaiter la rencontre avec le diable en personne auquel, moyennant vingt ans de bonheur, il vendrait volontiers son âme. Après tout, cette Vierge Noire aux pieds de laquelle il s’en était retourné prier quelque temps ne semblait guère pressée d’intercéder pour lui, alors…
Alors toute âme bien née sait qu’il est périlleux d’évoquer Satan ! Les oreilles du Prince des Ténèbres sont partout. Et elles traînaient ce matin-là.

An engraved vintage Bible illustration drawing of Satan the devil, from an antique book dated 1836 that is no longer in copyrightQuelques jours plus tard, alors qu’il arrivait près d’un arbre creux, un cavalier dont l’identité ne faisait aucun doute lui mit en mains le plus redoutable des marchés : “Vingt ans de bonheur, c’est bien ce que tu veux ? De ce bonheur qui ne se peut sans menue monnaie ? Vois ce pacte : en échange de tout l’or que peut contenir cet arbre mort tu me rejoindras ici dans vingt ans jour pour jour. J’y prendrai livraison de ton âme et de celles, pour le cas ou tu trouverais femme et aurais descendance, de tous les tiens. Signe ! „

Après tout, après quelques déconvenues, le comte s’était bien promis de rester garçon. Et il signa.

Et son domaine s’agrandit, au point de faire des envieux parmi les seigneurs d’alentours. Et il vit le monde, et le monde l’accueillit cette fois avec tous les égards. Tout était faste et s’il subsistait quelques bonnes personnes pour supposer que tout ce bien-être soudain était du à l’intercession de la Vierge Noire, nombre d’autres pressentaient la triste réalité.
Ce qui, paradoxalement, ne l’empêcha pas de rencontrer puis d’épouser une noble demoiselle au pays de Lesse dont on savait à la fois la grande beauté et la grande piété. Laquelle lui donna bientôt un fils. Fallait-il qu’il ait tout oublié ? Qu’il soit devenu fou ? L’amour tient un peu de tout ça, et de tant d’autres choses. Car c’était bien lui qui avait frappé à la porte de ce coeur que tous croyaient ruiné. Et il lui avait ouvert.

Mais vingt ans passent vite et, à mesure que la date fatidique s’annonçait, on vit le comte délaisser fêtes et tournois pour ne plus s’intéresser qu’à sa famille, rongé d’avoir condamné deux innocents à la damnation pour satisfaire ses désirs orgueilleux. Jamais sans doute ne leur fut-il plus attentif. Jamais sans doute ne fut-il aussi malheureux.

Vint le jour fatidique, où tout allait être consommé : nul ne peut échapper au diable quand il a fait affaire avec lui. Prétextant la douceur du soir et l’envie d’aller chevaucher un peu en famille, le comte décida son épouse et son fils à l’accompagner. Ce qu’ils firent d’autant plus volontiers que la chose n’était pas exceptionnelle et que le comte feignait une humeur enjouée.

Le chemin vers l’arbre creux passait non loin de la chapelle de Farnières, où il laissa son épouse et leur enfant se recueillir tandis qu’il les attendrait à l’endroit dit : quelques prières ne pouvaient nuire à ces deux innocents, tandis que lui n’en attendait plus rien.

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La statuette de tous les malheurs

Pourtant…

Pourtant, à l’heure précise à laquelle la folie du comte aurait du trouver son sinistre aboutissement, la forêt résonna d’un cri horrible qui fit trembler arbres et rochers : fou de rage et de terreur, Satan fixa une dernière fois un point par-dessus l’épaule du comte avant de disparaître tandis que la parchemin maudit se consumait au pied de l’arbre mort.
Se retournant, il s’aperçut que celle vers laquelle il n’avait osé se retourner lorsqu’elle était arrivée quelques minutes plus tôt n’était pas sa femme, mais la Vierge Noire qui, à présent, lui parlait : “ Sire, je n’ai jamais oublié ce que vous avez fait à mon intention dans votre pieuse jeunesse. Et même si je vous ai refusé une richesse dont la seule fin était de satisfaire votre vanité, j’ai placé sur votre route une de mes fidèles servantes : c’est elle qui vous a sauvé, en ouvrant votre coeur au repentir et aux saintes affections de la famille. Et c’est ainsi que j’ai obtenu de venir vous délivrer en ce lieu en attendant d’obtenir votre grâce entière là-haut „.

Puis la vision s’évanouit, et le seigneur retrouva sa femme en oraison à la chapelle tandis que son fils dormait paisiblement sur une marche de l’autel.

Dès cet instant, un tout autre bonheur s’empara du comte et une harmonie sans tapage se mit à régner sur sa famille et le domaine. Faut-il préciser que le seigneur ne laissa plus un jour passer sans venir rendre hommage à la Vierge qui l’avait sauvé, lui et toute sa famille des griffes de Satan ?
“ Il vécut de longues années, entouré d’une progéniture nombreuse, formée à marcher droit et ferme dans le sentier du devoir et de l’honneur „, conclut le rapporteur de cette histoire pleine d’enseignements.

Allons, il se fait tard : bien à vous, Pèlerins. Et gardez-vous d’acquérir jamais les vanités de ce monde au prix de votre âme, ainsi que ça ne se pratique que trop de nos jours. Cette manière d’orgueil se paie tôt ou tard, et la Vierge Noire n’est pas toujours au rendez-vous.

Mais tout ça ne sont que des légendes, n’est-ce pas ? Sans doute, sans doute…


Ecrit par :Patrick Germain 20-06-2008
Source :
•    Version écrite sur base de la légende locale et de lla version donnée par Marcellin La Garde (« Le Val de la Salm » – edition 1938)
Sur la toile :


 

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Farnières

Farnières.
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