En d’autres lieux, on aurait certainement baptisé l’endroit : le Col de la Baraque de Fraiture. Parce que le site culmine à 652 mètres d’altitude, il est ainsi la deuxième « montagne » de Belgique après le plateau des Hautes-fagnes englobant la Baraque Michel et le signal de Botrange et la « Weisser Stein » de Bullange.
Il paraitra sans doute prétentieux de parler de montagne, mais il est un fait que la flore naturelle du plateau des Tailles qui entoure le carrefour de la Baraque est comparable aux plantes de montagne, et même de montagne nordique. La linaigrette par exemple qu’on retrouve également en Hautes-Fagnes. Avant l’introduction massive de l’épicéa en Haute Ardenne, le paysage la plupart du temps les pieds dans l’eau et la tête dans le brouillard, se montrait fort inhospitalier. Les landes désertiques couvertes de bruyères, n’étaient parcourues que par les sangliers, quelques loups, les réfractaires fuyants les conscriptions napoléoniennes ou quelques intrépides marchands que leurs affaires obligeaient à passer par là.
En 1838 seulement, les routes se dessinèrent plus précises, de Liège vers Bastogne et de La Roche vers Vielsalm et la Prusse. Un habitant du village de Fraiture – un malin ce Pierre-Antoine Molhan – bâtit au croisement des routes une masure en argile et torchis où ne tardèrent pas à s’arrêter les voyageurs. Le malin Molhan avait bien compris l’importance stratégique de l’endroit ; d’où qu’on vienne, il fallait grimper longtemps pour arriver au croisement, c’était assurément là qu’il fallait offrir boissons et collations aux bêtes comme aux gens. Bien vu Pierre-Antoine !
Molhan fit fortune, aménagea de mieux en mieux sa bicoque de paille pour la transformer en un solide bâtiment en pierres qui résistait sans trop se plaindre au climat de l’endroit. Le bâtiment existe toujours aujourd’hui ; Molhan n’y est plus mais les voyageurs sont toujours soulagés de trouver boissons et bon repas à l’Auberge du Carrefour.
Le Major Parker et la Bataille des Ardennes
Molhan avait pressenti l’importance stratégique du carrefour, il ne fut pas le seul.
Le 19 décembre 1944, cela fait trois jours que l’armée allemande a lancé la contre-attaque. Se repliant de l’Eiffel en passant par Salmchâteau, le major Arthur Parker et la centaine d’hommes qui lui reste passe au Carrefour de la Baraque de Fraiture. Il y a là un incessant balai de transports de troupes et de matériel américains allant dans tous les sens ; ceux qui se replient, ceux qui vont renforcer les positions et certainement, ceux qui ne savent pas où aller. Le carrefour routier est un passage obligé, impossible de le contourner vu l’état impraticable du terrain sur un large périmètre autour du site.
Parker l’a bien compris : c’est aussi par là que les troupes allemandes devront passer. Jusqu’au 23 décembre Parker (qui fut blessé) et ses hommes tiendront tête aux Panzers allemands. Ils retarderont considérablement la percée nazie.
En 1994 un monument fut inauguré à la mémoire du courage de la troupe « Parker ». Un canon Howitzer 105 mm identique à ceux dont disposait Parker fut amené des Etats-Unis. Pour les américains, le carrefour de la Baraque est connu sous le nom de Carrefour Parker.
Promenades et ski
Plusieurs établissements, offrant un large choix de restauration, sont venus s’ajouter depuis à l’Auberge du Carrefour dont l’enseigne voisine avec des aménagements dignes d’une fréquentation croissante.
L’or blanc n’y est pas étranger. Chaque années des milliers de visiteurs fréquentent les pistes de ski alpin qui, longues de 300, 700 et 1.000 mètres, sont équipées de remonte-pentes, éclairées à la nuit tombée, et complétées par une piste de luge. L’enneigement voulu y règne en moyenne 20 jours par an, et bien davantage pour les skieurs de fond qui trouveront sans peine des pistes balisées dans toute la région. Une autre piste de ski alpin est également accessible à Lierneux.
Qu’il neige ou qu’il fasse plein soleil, la Baraque de Fraiture constitue un point de départ idéal pour rayonner à-travers une région qui fait la part belle au tourisme familial. Des animations les plus connues aux vallées les plus secrètes, rien n’est jamais bien loin de ce carrefour qui ne ressemble à aucun autre.
Sources : Vieilles images sur toits de cherbins – Robert Nizet – 1986
Le CRIBA – Centre de Recherches et d’Informations sur la Bataille des Ardennes – www.criba.be
La Baraque de Fraiture vue du ciel
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Où est la Baraque de Fraiture
Baraque de Fraiture
Les Pieds verts
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Question d’un lecteur sur les réseaux sociaux :
Pourquoi ne dit-on plus « Baraque Fraiture » comme jadis? Y a-t-il une raison? D’où vient ce « de »? Un fonctionnaire bruxellois?
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Selon les chroniqueurs de l’histoire locale, on dit bien « Baraque DE Fraiture ». L’édifice avait été construit à proximité du village de Fraiture. En franchissant le carrefour, il fallait passer devant cette baraque.
« Quelle baraque ? » aurait demandé le voyageur qui voulait aller de Liège à Bastogne. « La Baraque DE Fraiture » aurait précisé celui qui expliquait le chemin. Comme on dirait la Grand-Place DE Bruxelles ou la citadelle DE Namur.
Ce sont donc plutôt les cartographes qui ont oublié le « DE » à un moment donné.