La légende de Gustine Maka
Un jour, oh il y a bien longtemps de cela, le jeune Gengoux décida de partir à la cueillette des myrtilles au Bonalfat. Entouré de quelques amis, il avait apprêté son panier, son peigne à myrtilles et des victuailles destinées au repas de midi.
La petite troupe déambulait joyeuse dans les rues de Vielsalm, les uns devisant gaiement, les autres s’engageant dans des courses-poursuites qui se terminaient inmanquablement par de grands éclats de rires. Le chemin n’était pas bien long pour atteindre la forêt et il ne fallut pas plus d’une demi-heure à nos amis pour pénétrer dans le calme reposant des bois du Bonalfat. L’air était vivifiant à cet endroit et le soleil, déjà haut dans le ciel, faisait perler quelques gouttes de sueur sur le front de cette belle jeunesse qui s’activait maintenant à chercher les jolis petits fruits violets. Une partie de la récolte serait mangée, certes, mais l’autre, la plus importante serait monnayée et rapporterait un peu d’argent.
Les buissons de myrtilles étaient disséminés et formaient comme des grosses taches dont le vert brillant tranchaient avec le brun sombre de l’humus forestier. Cependant, au fil du temps, l’enthousiasme de la matinée laissait place sur les jeunes visages à une déception grandissante. Le fait était bien là : plus on avançait dans la journée (et dans la forêt) et plus rares se faisaient les petites baies violacées.
« C’est vrai que l’hiver a été rude ! » dit Gengoux
« Et les gelées tardives ! » ajouta Marie
Il fut décidé à l’unanimité de regagner la bourgade car le soleil avait entrepris depuis longtemps sa course descendante vers l’horizon.
« Pressons le pas ! » dit encore Gengoux
Le petit groupe avait accéléré l’allure et faisait de grandes enjambées quand brusquement, dans l’obscurité, surgit une ombre ayant forme humaine. Quand celle-ci fut à deux pas des jeunes gens, ils discernèrent une femme courbée et toute ridée qui portait un plein panier de myrtilles. Ils reconnurent Gustine Maka, une vieille du coin , réputée d’après certains, pour ses pratiques de sorcellerie et ses connivences avec le Diable.Tous eurent en bloc un mouvement de recul devant l’apparition puis leurs regards se tournèrent vers le panier qui débordait des fruits tant convoités, étincelants comme des perles d’améthyste sur lesquels les rayons de la pleine lune semblaient se focaliser, comme par magie. Gengoux et ses amis étaient subjugués, pétrifiés. Le temps semblait s’être arrêté. La lumière de la lune cessa subitement d’éclairer le trésor et vint se poser sur le visage de la vieille. Elle eut un sourire ou plutôt un rictus de contentement puis aussitôt son expression se radoucissant, elle dit d’une voix mielleuse
Vino huffler on ptit henna ! et magnî do tchatcha (Venez boire un petit verre et manger du tcha-tcha = myrtilles écrasées)
Les jeunes, rassurés par de si tentantes paroles, mirent tous ensemble la main au panier et se gavèrent littéralement des fruits tant attendus. Le sortilège eut rapidement son effet…
Dans la lueur bleutée et blafarde de l’astre du soir, l’ on vit soudain danser et tournoyer sept macralles tandis que le val de Salm commençait à trembler…
Passant ! Garde-toi bien
De t’égarer dans les chemins peu fréquentés.
N’engage ton pas que lorsque tu seras bien assuré
De n’être point observé.
Et toujours, résiste au parfum
Des petites baies violacées
Qu’une vieille grimaçante voudrait te faire goûter !
Écrit par : Marie-Hélène Dourte /2007
Créé en 1955, le groupe folklorique d’animation de cortège « Les Macralles du Val de Salm » est basé sur la légende de Gustine Maka.
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