Légende du Lit du Diable (Wéris)
Si le Diable ne se cache pas quelque part sous la pierre qui lui est vouée, du côté de Wéris, c’est bien imité. D’ailleurs, la légende est formelle : enfourchez vos balais, départ immédiat !
À quelques hectomètres du centre de Wéris, un chemin carrossable mène tout droit au chevet d’un curieux monolithe : le Lit du Diable ou, en wallon de l’endroit, “ Li paillasse dè Djåle „.
La carte des promenades, basée sur celle de l’IGN, en fait un dolmen ce qui – hors l’aspect spécifiquement étymologique – est sans doute quelque peu abusif : point d’amoncellement de blocs ordonnés en ce lieu, mais une simple pierre de quelque deux mètres de long. Et la brochure éditée par le Cercle historique local rend un verdict sans équivoque : “ Ces pierres (…) ne sont pas des mégalithes préhistoriques „.
Voilà qui a le mérite d’être clair. Reste que la forme de ce bloc de poudingue ne peut qu’avoir frappé les habitants du néolithique au même titre que ceux qui, par la suite, la vouèrent au Prince des Ténèbres. Une manière d’agir généralement destinée à faire rentrer les brebis égarées dans le rang. Et à plus forte raison quand il est question de se coucher dans un endroit isolé sur une pierre y appelant irrésistiblement.
Allez savoir, mon bon Père, quelles turpitudes de tels lieux peuvent engendrer ? Quelles dévotions à quel dieu cornu sensé fertiliser ce qui n’attend que la semence, voire ce qui est stérile ? Alors qu’il y a des saints pour ça ! Non, décidément, tout ça n’est pas sérieux. Allez zou : faites-moi monter Satan là-dessus et qu’on n’en parle plus !
Pas si malin que ça !
Et puisque tous les adversaires sont complices quelque part, l’autre, qui n’en demandait pas tant, s’empresse de débarquer avec ses pieds fourchus, son grand chapeau, sa cape et son odeur de souffre. Voilà le meunier de l’Aisne bien embarrassé, du coup.
Car c’est bien lui qui, enrageant de voir ses meules immobiles, a fait appel au Malin et à ses pompes ! Mais il est bien connu que l’Ardennais, à l’instar des femmes paraît-il, connaît trois tours de plus que grand Vautrin. Et quand ce dernier, au chant du coq, convoque Martin pour livrer son âme en échange de la digue érigée le temps d’une nuit du côté de Roche-à-Frêne, Martin arrive. Sur quatre pattes. Car Martin, c’est le chien de Martin. Vous suivez ?
Bref, une fois de plus, Satan entend le Bon Dieu ricaner : “ ligne et couille „ ! Ce qui le met dans une rage folle. Normal. Mettez-vous à sa place ! Là-dessus, le voilà qui démolit son travail en quelques minutes. Et ça, à son âge avancé, ce n’est pas très raisonnable. D’où palpitations, visite chez le docteur et repos obligatoire. Wéris n’étant pas loin, avec son douillet monolithe, vous devinez la suite.
Patrick Germain / 2008
Note :
Adaptation libre de la légende de la Pierre du Diable : Patrick Germain, sur base du texte rapporté dans la plaquette : “ Wéris, capitale belge des mégalithes „ – Cercle historique “ Terre de Durbuy „ – 2005 – d’après l’original de J-C Comblin (1980).
Source :
“ Wéris, capitale belge des mégalithes „ – Cercle historique “ Terre de Durbuy „ – 2005 – disponible au musée local