Au point où nous en sommes – il n’y a plus de saisons, ma bonne dame – le recours aux dictons populaires va finir, statistiquement s’entend, par être aussi fiable que les modélisations des prévisionnistes. Donc : “ En avril, ne te découvre pas d’un fil „. Soit. Mais encore?
Bien. Qu’il soit tout d’abord entendu que l’étymologie du mot avril est aussi confuse que les conditions climatiques qui y règnent généralement.
Ce nom vient-il du latin aprilis, nom donné à ce mois par les Romains en l’honneur de la déesse Aphrodite, ou du verbe latin aperire (ouvrir) ? Voire de l’adjectif apricus (exposé au soleil / qui aime le soleil) ? Ce qui est sur, c’est qu’avril était bien le second mois de leur calendrier.
Par ailleurs, penchés sur le certificat de naissance du poisson d’avril, les experts ne dénombrent pas moins de 800 hypothèses. Tous les pays y trouvent leur compte. Et nous le nôtre en ne nous prononçant pas. Na !
Reste qu’il existe un curieux renvoi d’ascenseur entre le premier de l’an (Saints-Innocents) et un premier avril où les “ innocents tout court „ ne sont pas un peu mis à contribution : faut-il y voir un lien de cause à effet remémorant un lointain basculement du début de l’an officiel ou officieux du premier avril au premier janvier ?
MAIS QU’EN DICTON ?
Les dictons (ou spots) populaires ne manquent pas en Ardenne, dont le premier venu constitue une évidence dont on se demandera néanmoins si elle ne serait pas un zeste malicieuse : “ È meû d’Avri, lè bièsses kwandjè d’habit „. Car, après tout, les humains aussi quittent leurs pelisses d’hiver au mois d’avril…
Ils veilleront toutefois à ne pas se découvrir d’un fil, même si : “ Å bontimp, min’me li vî bwè craque „ (Au printemps, même le vieux bois craque. Autrement dit, même les vieux se sentent amoureux.)
À part ça, rappelons-nous que Lune d’avril ne passe pas sans gelée, qu’avril doux qui se fâche est le pire de tous et que : “ Tonîre d’avri rimplih lès baris „
(Tonnerre d’avril remplit les barils).
Sans oublier que : “ Qwand Avri k’mince come on mouton, i finihe come on lion „ et que, s’il est fidèle au poste, saint Ursmer prendra la dernière neige de l’an, chapeautant de la sorte deux de ses petits camarades : “ À la Sainte-Waudru et à la Saint-Macaire (9 et 10) on revoit l’hiver „ ; et pour ne pas faire mentir le dernier : “ À l’Sint-Druwon (15) li tchåleûr vint po d’bon „. Quoi qu’il en soit : “ Vent qui souffle aux Rameaux ne changera pas de sitôt. „
Côté agriculture : “ Saint Vincent, beaucoup de grain ; s’il est couvert, peu de pain „. Autrement dit, et comme disait mon vieux sceptique de grand-père : “ Awè : si’n ploût nin, i f’rè bè „ (C’est ça : s’il ne pleut pas, il fera beau)
Ceci dit, avril froid et mai chaud remplissent les granges jusqu’en haut. Et Saint-Valérien, quand il est beau (14), présage force biens. En voilà un qui annonce clairement la couleur, contrairement à saint Georges et saint Marc. Allez donc faire un noeud entre : “ Saint-Djwér (23) èt Saint-Markèt (25) mahèt vol’tî l’brouwèt „ (il pleut), d’un côté ; et de l’autre : “ À la Saint-Georges, sème ton orge, car à Saint-Marc il est trop tard „.
Saint Pierre est quand-même du genre plus fiable : “ Al Sint Pîre (28) plante tès ås „ (plante tes aulx). Ce qui sera bien utile, l’an suivant, pour se préserver des catarrhes et autres joyeusetés consécutives aux chauds et froids tant il est vrai que : “ Ci n’èst måye avri s’i n’a nïvé plein on corti „ (Ce n’est jamais avril s’il n’a neigé un plein jardin).
COUCOU !
Pour le reste, si les fleurs font belle figure parmi les spots météorologiques : “ Avril produit la fleur, et mai en a l’honneur „ – “ Fleur d’avril ne tient qu’à un fil „ ; c’est quand-même au coucou que revient la palme.
Ainsi : “ Gn’a pont d’kwéze d’avri quu l’coucou n’el dit „ (Il n’y a pas de quinze avril, que le coucou ne le dise : tant que le coucou n’a pas chanté, le printemps n’est pas sorti) ; en chantant, il ouvrira par ailleurs la saison aux autres, plus frileux : “ Après le coucou, c’est le rossignol qui chante „
Sacré coucou, bravant les derniers sursaut de l’hiver et qui, pourtant, n’a pas trop bonne réputation : “ C’est’on coucou : l’a pu d’bètch quu d’cou „ (C’est un coucou : il a plus de gueule que de cul ) Sans doute à cause de ses piètres mœurs génitrices ? Lesquelles ne l’empêchent pas, par ailleurs, d’être associé aux rentrées de bel et bon argent.
Ceci dit, s’il est bien connu que le fait d’avoir de l’argent sur soi lorsque l’on entend le coucou pour la première fois de l’année présage une certaine aisance pour toute la durée de celle-ci, les habitants des régions de Han-sur-Lesse, Lacuisine, Mirwart et Tellin ajoutent un bémol : il faut faire un cumulet aussitôt. Histoire de faire mieux prendre la sauce ? Ou de relativiser les déceptions toujours possibles ? Allez savoir…
Ecrit par :Patrick Germain 31-03-2008