Météo populaire : les signes prédictifs, et la légende du Rayon de la Vierge
Ça y est : vous avez fait le bon choix ! Autrement dit, vous allez (re)découvrir l’Ardenne durant les vacances. Entre autres parce qu’il n’y pleut ja-mais ! Et que nous sommes invariablement beaux, intelligents, dynamiques, souriants et tout et tout. Prévenants, aussi, à l’égard de nos visiteurs. Aussi notre météo populaire abordera-t-elle cette fois le chapitre des prévisions à court terme, basées sur l’observation.
Et pour ça, rien que du fiable. Aussi avons-nous préféré laisser tomber : « S’il pleut à la saint Cyprien, saint Firmin verra un temps de chien ; sauf si saint Nectaire s’en va prendre un verre avec sa belle-mère chez la grande sainte Claire. » Ce qui est parfaitement son droit, mais n’en fait pas un indicateur très fiable, vous en conviendrez.
Vous vous y fieriez, vous, au Monsieur de la météo, s’il arrivait sur le coup de 20 heures, chargé à balles de guerre, pour vous annoncer en bredouillant qu’il fera beau demain et qu’après tout il n’en a rien à secouer parce que le pinard est vachement bon chez sa copine Clairette qui rit quand on la … ? Vous vous y fieriez ? Non, hein ?
Bon. Donc, en Ardenne, il ne pleut jamais. Surtout lorsque :
- la rosée du matin est forte ;
- la fumée sortant des cheminées monte verticalement vers le ciel (on n’a jamais dit qu’il ne faisait pas frisquet, parfois) ;
- le limaçon porte de l’herbe sur la queue (il « fane ») ;
- les papillons voltigent de fleur en fleur (non, pas toi, François) ;
- les lucioles volent le soir (« ver luisant apporte du bon temps ») ;
- les mouchettes volettent en colonnes à la tombée de la nuit, se faisant allègrement massacrer par des hirondelles chassant à bonne hauteuet les chauves-souris sortant en grand nombre, le soir ;
- les coqs se juchent pour chanter ;
- le soleil couchant est bien rouge (« ciel rouge le soir, blanc le matin : c’est le souhait du pèlerin ») ;
- les araignées tissent leurs toiles à l’horizontale ;
- les grenouilles coassent toute la nuit (alors, tant qu’à faire, hein…) ;
- de lourds brouillards blancs s’amoncellent dans les fonds ;
- le lard et le sel sont secs ;
- les poissons sautent à la surface de l’eau.
DE TEMPS EN TEMPS, POURTANT…
Bien sur, vous pouvez manquer de bol, et tomber sur un jour de pluie. Prévoyez donc un ciré pour sortir si :
- l’herbe est sans rosée (« nuit sèche, pluie proche ») ;
- de petites bulles d’air se forment sur les parois d’un seau rempli d’eau ;
- les pavements deviennent humides, ou sont lents à sécher lorsqu’on nettoie ;
- après une première pluie, les forêts se couvent d’un brouillard assez dense (« le soleil boit son eau ») ;
- les poules se vautrent dans la poussière ou s’attardent le soir à picorer. Si elles rentrent lorsqu’il commence à pleuvoir, c’est que la pluie ne durera pas. Par contre, si elles se laissent mouiller, la pluie va persister ;
- les moineaux s’ébattent dans la poussière ;
- le bruit de la houle des arbres évoque celle de l’océan ;
- le ciel est moutonné (« ciel moutonné n’est pas de longue durée ») ;
- le limaçon emporte de la terre sur la queue, ou monte les branches des haies ;
- les vers de terre remontent en surface ;
- le lait que l’on verse dans la tasse de café forme des nuages ;
- le café moulu adhère aux parois de son récipient ;
- la lune présente un mince halo (qui a inspiré la chanson de Souchon : « halo maman, bobo… ») ;
- les anciennes blessures se réveillent (bis) ;
- les cors aux pieds se font plus douloureux (« d’ja må mès aguèsses »).Si la pluie est tiède, on parlera d’une « croissante pluie ». Ceci dit : « La pluie du matin n’arrête pas le Pèlerin » ; tandis que « (celle) de midi le tient à l’abri ». Et n’oubliez pas de vous méfier si les coqs chantent à des heures indues, si les oiseaux se taisent ou si les feuilles se fanent au potager, surtout celles des choux : c’est signe d’orage. Lequel naît souvent, dit-on à Manhay, d’un pet de sorcier, tant il est vrai que celui-ci connaît des tours pour « battre les averses .»
LE RAYON DE LA VIERGE
Et si, ma foi, en Ardenne ou dans la vie même, vous vous retrouvez pris dans l’un de ces jours où il « ne pleut qu’une fois », restez attentif : il n’est pire journée qui ne soit illuminée par le « rayon de la Vierge ».
De son origine, je ne sais que ce que ma grand’mère m’en a dit naguère. Et puisque nous sommes entre nous.
Or donc, un jour que Jésus était venu incognito en Ardenne, le voilà pris dans un orage de Dieu le Père. Car ces deux-là, comme dans toute famille qui se respecte, ne sont pas toujours d’accord. Bref, voilà le Fils trempé comme une soupe, et tout grelottant de froid. Là-dessus Marie – en douce comme savent le faire les mamans quand le fiston est puni – lui envoya un rayon de soleil pour le réchauffer. Saint Joseph en rit encore dans sa barbe, et l’idée plut a Jésus qui, ayant vu de ses yeux les Ardennais endurer les sept croix sur leur rugueux terroir, suggéra à sa mère d’étendre sa délicate attention à tous les jours de pluie. Ce qu’elle fit bien volontiers. Ainsi naquit le « rayon de la Vierge.»
Je me suis fâché avec bien des choses de la religion, depuis. Mais celle-la, et la belle métaphore qu’elle recèle, est reste chère à mon coeur. Ce fut un grand plaisir de vous la raconter à mon tour, Pèlerin.
Texte et photos par :Patrick Germain 25-10-2007
Source :
• Acquis oraux ; dont la légende du rayon de la Vierge, reçue de Margaretha Gils, ma très germanophone grand-mère, originaire d’Espeler (Cantons de l’Est).
• Louis Banneux : « L’Ardenne Superstitieuse » – Impression analystique de l’édition originale – Culture et civilisatio éd. – Bruxelles – 1981